La publicité commerciale sur les panneaux d’affichage ne bénéficie pas aux petits commerces. Au contraire, ce sont les géants de l’alimentaire, les constructeurs automobile, les grands groupes d’assurance ou les compagnies aériennes qui occupent ces espaces. Si le chiffre d’affaires de ces grands groupes ne souffrira pas de cette légère privation, l’initiative offre une belle occasion de rappeler l’importance des commerces locaux, tenus et gérés (parfois avec difficulté) par de petites structures familiales. Soulignons que le règlement d’application leur laisse la possibilité de promouvoir leurs spécificités dans leur propre devanture.

Seul l’affichage commercial est visé par le texte soumis au vote. Toutes les activités culturelles, politiques, sportives, associatives, éducatives (même avec but lucratif !), événementielles ou récréatives, et même leur sponsoring pourront continuer à s’afficher ! Nulle crainte à avoir donc pour les métiers du graphisme et du design : ces professions auront encore bien des travaux à réaliser que ce soit pour afficher à Genève ou partout ailleurs ainsi que sur internet.

Ces affiches mettent souvent en scène des corps loin d’être représentatifs de la population. C’est le cas notamment de l’hypersexualisation, généralement des corps féminins, qui réduisent ces personnes à des objets de consommation, que l’on achète un produit, une marque ou un statut. De plus, diverses franges de la population sont peu ou pas représentées, notamment en raison de leur âge ou de leur diversité. En supprimant ces affiches, la possibilité de promouvoir ces stéréotypes en est réduite d’autant.

Les affiches commerciales invitent à consommer de nouveaux produits (alimentaires, voitures, voyages, etc.). En stimulant l’acte d’achat, elles contribuent à la surconsommation, et donc à la surproduction, ainsi qu’au gaspillage et par conséquent aux montagnes de déchets. La publicité est donc néfaste pour l’environnement et contribue à impacter le climat et la biodiversité en créant des besoins chez les consommateur·rices. Elle contribue également à l’endettement des plus précaires à travers l’incitation à la consommation et à la contractualisation de micro-crédits.

Dans l’espace public, il est impossible de choisir de ne pas s’exposer à la publicité, contrairement à nos écrans que nous décidons d’allumer ou non, à nos journaux que nous décidons d’ouvrir ou pas. Cet espace nous appartient à toutes et tous et ne devrait donc pas faire l’objet d’une privatisation au profit de celles et ceux qui ont des moyens financiers suffisants.

A l’origine de l’initiative, une période de transition entre deux sociétés d’affichage avait laissé les panneaux concernés recouverts de supports entièrement blancs. Dès lors, pendant plus de deux semaines, de nombreuses personnes avaient pu exprimer leurs talents artistiques, parfois ignorés, de fort belle manière, et en se réappropriant quelques espaces de communication, les citoyennes et citoyens ont également gagné un nouveau terrain d’expression démocratique. Le texte proposé ancre ce mode d’expression dans le règlement.

La publicité s’incruste partout. Dans nos rues, elle prend de la place sur nos murs, sur nos trottoirs. Les affiches entravent le passage qui pourrait être davantage dégagé, notamment pour les personnes malvoyantes, en fauteuils roulants ou avec des poussettes. Sur les murs, les panneaux pourraient être remplacés par des fresques artistiques ou des plantes grimpantes pour végétaliser nos rues.

Nombreuses sont les affiches qui incitent aux achats à crédit, aux jeux d’argent, ou qui créent des désirs très coûteux. Dans bien des situations, la publicité est nocive pour une gestion intelligente de nos porte-monnaies.

Argument des opposant-e-s

C’est vrai, le budget public de la Ville de Genève compte 0.3% de recettes issues des redevances de la publicité par affichage. Cependant, ce montant méconnaît de nombreux coûts cachés de la publicité : ceux de la surconsommation effrénée qu’elle engendre, ceux des habitudes de vie malsaines qu’elle entretient et des effets nocifs sur le bien-être.

Aujourd’hui, les mécanismes sous-jacents de l’obsolescence programmée, des problèmes de malnutrition (diabète) et de malbouffe chez les enfants, d’endettement, d’hyperactivité et d’inattention sont au cœur des préoccupations publiques. Ces effets restent toutefois très difficiles à mesurer. Mais ils peuvent tous être reliés, dans une certaine mesure, à une exposition excessive à la publicité. Mais encore, le Tribunal fédéral a reconnu que la suppression de la publicité par voie d’affichage était une mesure susceptible d’améliorer le bien-être de la population.

Enfin, rappelons que les coûts de production de la publicité sont toujours intégrés au prix de vente. Or, si c’est déjà regrettable pour les cosmétiques, cela s’avère autrement critiquable lorsque le coût des publicités pour l’assurance maladie se répercute sur les primes. Moins de publicités, c’est aussi moins de charge sur le prix payé par le ou la consommat·eur·rice.

Au contraire ! La publicité commerciale est monopolisée par de grands acteurs qui ont les moyens d’afficher leurs campagnes. Les prix pratiqués par Neo Advertising sont inaccessibles à la large majorité des PME locales. Cette initiative, en limitant la présence écrasante des grands groupes, laisse une chance aux commerces locaux d’être vus et valorisés. Par ailleurs, un possible effet positif a été relevé par le Conseil municipal dans ses travaux : les entreprises, pour continuer à exister dans l’espace public, devraient alors soutenir des évènements ou services qui ont un autre but que celui d’être lucratif.

Seule une petite partie de l’affichage papier est concerné. La Ville, les associations, les clubs, les partis, et les organismes organisant des évènements (sponsorisés ou non) auront donc toujours besoin de concessionnaires d’affichage, d’illustrateur-rice-s et de graphistes, d’imprimeur-euse-s. Nous rappelons également que pour les grandes marques internationales, une grande partie du travail créatif se fait à l’étranger.

Par ailleurs, il n’y a que peu de chance que la perte de cette partie de l’affichage ait un impact important sur le concessionnaire actuel, la société Neo Advertising SA. Cette dernière, émanant du groupe Tamedia, est l’une des trois sociétés qui dominent actuellement le marché, avec la Société Générale d’Affichage (SGA) et Clear Channel. Neo Advertising compte encore d’importants clients à Genève (l’Aéroport de Genève, les TPG) et ailleurs en Suisse Romande (les villes de Berne et Zurich). Par ailleurs, ce n’est que depuis 2015 que Neo Advertising a repris la concession en Ville de Genève, qui était depuis 30 ans remise à la SGA. Il faut savoir que ces sociétés concluent des contrats soumis à la rude concurrence des appels d’offres. Dans ce secteur, il est ainsi très courant que les concessionnaires perdent des contrats. Et la protection des emplois n’est, dans ces cas là, jamais garantie.

Cette question a été étudiée par le Tribunal Fédéral, suite à de multiples recours à l’initiative. L’autorité judiciaire suprême Suisse, à qui on ne pourrait reprocher de restreindre la liberté économique, a confirmé dans son arrêt que s’il y avait atteinte, elle serait ici proportionnée et justifiée par un intérêt public prépondérant (privilégier la qualité du paysage urbain, favoriser la mobilité des personnes dans l’espace public – en particulier les personnes en situation de handicap -, accroître le bien-être de la population en permettant à celle-ci de se soustraire à une exposition non désirée à la publicité commerciale dans l’espace public ou éviter la surconsommation, l’obsolescence programmée et le surendettement)

Les opposant-e-s brandissent le risque d’un report de la publicité sur les plateformes, et principalement les géants du numérique que sont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Néanmoins, la limitation de la publicité en général n’est pas la cible de cette initiative. Les initiant-e-s cherchent principalement à questionner la publicité dont on ne peut ce défaire. La publicité numérique est moins intrusive puisque nous avons le choix d’utiliser des plateformes libres et indépendantes, d’éteindre nos ordinateurs et téléphones pour limiter notre exposition.

Par ailleurs, les entreprises qui utilisent l’affichage papier en Ville se déploient également dans des campagnes numériques, et participent donc déjà à l’enrichissement des GAFAM en revenus publicitaires. La publicité numérique est régulée au niveau fédéral. Les initiant-e-s, comme les partis et associations soutenant ce projet, ne s’opposeraient à ce que les majorités du parlement fédéral s’attèlent à la question de notre exposition à la publicité numérique et ses effets.

Ressources